Néoprisme expose Nowadays Records : interview de l’un des organisateurs, Bastien Stisi

neoprisme_nowadays_expo

Chroniqueur culturel hyperactif, Bastien Stisi travaille aujourd’hui, entre autres, à Radio Nova. Du 14 au 16 janvier se tiendront à la galerie Art Factory à Paris les Nuits Néoprisme, mettant en relief des pochettes d’album comme Bastien le fait sur le site du même nom qu’il a fondé lui-même il y a maintenant deux ans. Entretien décontracté avec un ancien collègue et ami.

Bonjour Bastien. Peux-tu nous parler de ta formation ?

Salut Matthias, c’est sympa de me poser ces questions. Alors ma formation est exclusivement universitaire, puisque j’ai étudié pendant longtemps à l’Université de Créteil (qui répond maintenant au doux nom d’UPEC, pour « Université Paris-Est de Créteil »). J’ai fait une fac d’Histoire, qui m’a amené vers l’obtention de deux Masters (un en « recherche » et l’autre en « métiers de l’enseignement ») et vers le début d’une thèse de Doctorat sur le XIXe siècle, thèse que je n’ai pas terminée. J’y étudiais l’iconographie régalienne sous la Restauration, et la place des images (surtout des caricatures) dans le renversement du roi Charles X. C’est assez différent de ce que je fais aujourd’hui, je te l’accorde.

Que t’ont apporté tes études d’histoire ?

Un regard critique global, je suppose, un sens de la minutie, et une capacité à pouvoir briller sans trop se remuer les méninges (parce qu’on nous apprend quand même pas mal de choses en Histoire) dans un dîner avec n’importe quels beaux-parents (parce qu’avoir fait des études d’histoire, ça fait toujours garçon très sérieux). Et la faculté de critiquer certains blockbusters, aussi, en arguant que « niveau historique, c’est vraiment n’importe quoi ce scénario ». Sinon, en vrai, je crois que ça apporte une rigueur intellectuelle extrêmement importante. J’ai eu l’opportunité de donner récemment des cours dans mon ancienne fac à des étudiants de Master (sur « l’écriture web », qui est un peu mon métier aujourd’hui). Et c’est un peu ce que je leur disais : que l’histoire c’était bien, parce que ça allait faire d’eux, pour la plupart en tout cas, des individus intellectuellement rigoureux.

neoprisme_bastien_stisi

Comment t’est venue la passion de la musique ?

J’ai commencé à écouter de la musique assez tard (vers mes 15 ans), et d’abord, j’écoutais du néo-métal, du punk-pop et du hip-pop (en gros d’Eminem période « Eminem Show » à Pleymo, et Noir Désir quand même très vite). C’était pas le mieux de ce qui se faisait, c’est vrai. Et puis en grandissant j’ai écouté d’autres choses, beaucoup de « vieux » rock et du rock plus récent, de la chanson française, et des musiques plus lointaines (genre de la « world music », même si je déteste ce terme). Puis des musiques électroniques, de la musique punk, et des trucs branchés. Et à un moment, il a semblé que par rapport à d’autres gens qui eux, s’en foutaient de la musique une fois sortis de leur voiture, je m’y connaissais un peu mieux.  Mais autant te dire que depuis que je suis chez Nova, où je travaille depuis un an, j’ai plus franchement l’impression d’y connaître grand-chose, en musique ! Il y a des gens là-bas qui ont une culture musicale absolument impressionnante, sans avoir pour autant 102 ans.

À voir le nombreux de supports pour lesquels tu écris ou as écrit (Brain Magazine, Toute La Culture, Topito, L’Histoire), on a l’impression que tu maîtrises l’art de te dédoubler. Comment t’y retrouves-tu ?

Oh tu sais les magazines que tu cites-là, ils interviennent à des périodes différentes de mon « parcours », je n’ai pas écris pour toutes ces gens au même moment. Même si c’est vrai qu’à une période j’étais un peu schizophrène en écrivant pour quatre ou cinq médias en même temps, mais c’était obligatoirement lié à la situation de « journaliste indé », ce qui n’est plus le cas désormais.

Préfères-tu les chroniques ou les interviews ?

Les deux exercices sont très différents. Les chroniques d’albums c’est bien, mais c’est encore mieux en fait quand ça fait suite à une interview ! Parler d’un disque (ou de n’importe quelle oeuvre artistique a priori) sans avoir préalablement discuté de l’objet avec son / ses créateur(s), c’est prendre le risque de faire fausse route et de raconter un peu n’importe quoi ! Et puis les interviews, c’est quand même sympa. En musique et en arts graphiques, j’ai parfois un peu (beaucoup) l’impression de jouer au psy d’ailleurs, j’aime bien le rôle de celui qui pose les questions et qui n’a pas à en dire trop sur lui (contrairement à cette interview où, comme tu me l’as demandé, j’essaye de te faire des réponses longues). Et puis les rencontres que tu peux faire en interview, ça permet aussi d’avoir des anecdotes amusantes à raconter en soirée, pour ceux qui s’intéressent à ce genre de choses.

Adoptes-tu un style différent selon le support pour lequel tu écris ?

Non, j’essaye hein mais c’est très dur : je fais toujours des phrases trop longues et sur-adjectivées. C’est déjà dur de trouver « son style » d’écriture, alors t’imagines si on devait en avoir un nouveau à chaque fois qu’on changea d’employeur ?

Peux-tu nous parler de ton “bébé” Néoprisme dans lequel tu élèves la pochette d’album au statut d’oeuvre d’art à part entière ?

Bébé Néoprisme (http://neoprisme.com) a désormais deux ans. Et son existence toute entière, parce qu’il est assez obsessionnel, est consacrée à l’analyse, que l’on souhaite poussée, de pochettes de disques. Il s’agit de disques récents, pas de vieux, dont les visuels ont déjà été suffisamment été analysés par d’autres pour qu’on revienne en rajouter une couche derrière. Ça peut aller de la pochette du dernier Rihanna ou Drake à celui d’Alex Smoke ou Seldom Colin. Si le visuel a quelque chose à dire, peu importe la postérité de l’artiste qui se cache derrière : il faut le faire parler, et proposer, un peu comme le dit le nom du projet (« Néoprisme » pour « regard nouveau ») de parler de musique avec un angle « différent » que celui proposé par les confrères du web 2.0. Et remettre en avant ceux qui « créent l’image », et dont on ne parle pour ainsi dire jamais.

L’autre jour, quelqu’un m’a dit qu’il respectait beaucoup Néoprisme parce qu’il trouvait ça « alternatif, qualitatif et disruptif ». Je l’aurais bien pris chaleureusement dans mes bras pour le remercier, mais c’était par mail, alors je n’ai pas pu le faire.

Tu as également dirigé des expositions. Peux-tu nous parler de cela et de ton intérêt pour la peinture ?

neoprisme_expose_nowadays_recordsOui j’avais exposé l’excellent Julian Feeld il y a un moment, à la ΠJAMA Galerie, participé à des expos organisées par Boum!Bang!, et à celles que l’on montait au Perchoir à l’occasion des soirées Culture Perchée qu’on organisait là-bas avec Toute La Culture (que tu connais bien Matthias !)

Et puis avec Néoprisme bien sûr, on organise effectivement des expositions (que l’on a appelé « Les Nuits Néoprisme », bien que cela ne se passe pas franchement la nuit finalement) dans des galeries, que l’on focalise à chaque fois sur un label différent. Celle qui arrive, organisée comme l’an passé galerie Arts Factory (dans le XIe arrondissement, rue de Charonne), dressera ainsi un focus sur le label Nowadays Records, la maison de Fakear, de La Fine Équipe, de Clément Bazin, d’Awir Leon ou encore de Jumo. On y exposera les pochettes des disques sortis par le label, ainsi que des versions alternatives de ces pochettes, des esquisses, des travaux complémentaires, et on accompagnera le tout de sets d’artistes signés chez Nowadays. Si vous voulez venir voir, l’entrée est gratuite, et y aura du vin blanc !

Lien vers l’événement Facebook

L’année 2016 en dix albums ?

  1. « Darkstar » de David Bowie —> parce que la mise en scène de sa propre mort
  2. « Is The Is Are » de DIIV —-> l’album d’un camé qui s’est calmé et qui a bien fait
  3. « Sirens » de Nicolas Jaar —> l’album le plus intelligent (parce que le plus opaque ?) de l’année
  4. « Ceremonial » d’Anchorsong —-> un japonais qui fait de la musique basée sur des samples africains, sans jamais avoir été en Afrique
  5. « Chien d’la casse » d’Usé —-> ce truc-là est d’une violence hallucinante
  6. « Under the Sun » de Mark Pritchard —-> c’est beau comme un nuage qui s’évapore doucement sous la chaleur des étoiles
  7. « Preoccupations » de Preoccupations —> Viet Cong change de blaze, mais pas de son
  8. « Musique de France » d’Acid Arab —-> Rien que pour le titre du disque
  9. « Requiem » de Goat —-> ce truc-là est une orgie absolue
  10. « Recto Verso » de Paradis —-> c’est Souchon mais façon house qui plane

Tiens, j’en ai justement fait – comme tout le monde – un de top albums.

 

Les dix lieux pour mélomanes à Paris ?

  1. Spotify et Bandcamp – Faut pas se mentir, c’est désormais là qu’on peut écouter le plus de musique, et avec l’éventail le plus large.
  2. Le Point Éphémère sinon, c’est là que j’ai vu les concerts de punks les plus chouettes de mon existence. Mais aller voir des concerts de pop là-bas c’est très bien aussi. J’adore véritablement ce lieu.
  3. La Maroquinerie. Parce que La Maroquinerie.
  4. Le Trabendo. Parce qu’on se sent toujours super alternatif en croisant à La Villette les types qui continuent leur route vers le Zénith.
  5. Le Café de la Danse. Parce que l’ambiance qui règne ici me met la boule au ventre dès que j’y pénètre. C’est toujours très très agréable, et très douillet (comme la programmation, toujours impeccable).
  6. Le Divan du Monde – Surtout quand y a des places (et non pas « du monde », rien à voir, ne soyons pas potaches) au balcon.
  7. La Boule Noire. Une salle plus profonde que large, c’est pas si fréquent.
  8. La Gaîté Lyrique – Parce que la sono est excellente. Et qu’on peut y piquer des coupes de champagne très sympas.
  9. L’Espace B – on se croirait un peu dans un garage pas très bien entretenu (mais heureusement : sans voiture dedans) mais la programmation est très très pointue et le couscous pas cher et très bon.
  10. La Mécanique Ondulatoire. Parce que j’y ai vu Viet Cong pour leur premier passage en France.

As-tu des ambitions artistiques dans d’autres domaines que tu n’as pas encore explorés ?

J’aimerais bien recommencer à écrire de la poésie, parce que c’est quelque chose que je faisais beaucoup avant. C’était cathartique. Mais ça ne répond pas vraiment à ta question je crois…

Encore une question : si tu devais te décider pour une seule profession : ce serait journaliste culturel ?

Pas forcément non, même si ça ne me déjugerait pas outre-mesure comme métier. Mais je crois que ce qui me brancherait le plus, ce serait d’ouvrir mon lieu, et de faire ce que je veux dedans. Ça ce serait vraiment le rêve.

 

 

Visuel : (c) YBouH

Total
3
Partages
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Articles sur le même sujet