Top Chef Advisor – Ronan Kernen – Côté cour

Depuis que j’ai commencé cette chronique sur les anciens de Top Chef, j’ai toujours essayé d’être relativement « neutre » dans mes avis, en tout cas, le plus objective possible. Je n’avais pas envie que les restaurateurs chez qui j’allais soient éventuellement pénalisés par un mot que j’aurais écrit et qui ne serait pas juste.

Dans la chronique d’aujourd’hui, je ne vais prendre AUCUNE pincette. Parce que la clientèle de ce restaurant n’a vraiment pas beaucoup de chance de se retrouver sur ce post, et que si elle s’y retrouve, je ne pense pas qu’elle sera influencée…vous comprendrez pourquoi en lisant 🙂

Alors, c’est parti pour la chronique la plus cash depuis le début de Top Chef Advisor !

Entrée

J’ai habité pendant 3 ans à 270mètres (vérifié sur google maps) du restaurant de Ronan Kernen. J’étais en pleine période faste de Top Chef (sous-entendu : fan sans être trop critique), et je le croisais parfois quand je sortais du Monoprix, en passant dans la rue sur laquelle donne son arrière-cuisine. Il était en train de fumer des clopes avec son staff, légèrement plus bedonnant qu’à la télé.

Mais je l’avais tellement DÉTESTÉ lors de sa prestation télévisuelle (je le trouvais snob, arrogant, et pas du tout fair avec les autres candidats), que je n’avais aucune envie d’aller dans ce soi-disant restau « hype » placé sur l’endroit le plus central d’Aix en Provence, une ville charmante que j’aime, mais où les riches snobs sont légion.

Et puis, le temps a passé. Cela fait 5 ans que j’ai quitté Aix. Une de mes collègues m’a parlé de ce restau et m’a dit « pour une occasion, c’est pas mal ». Et j’ai lancé cette chronique, excuse parfaite pour sortir de ma zone de confort et visiter TOUS les restaurants des anciens Top Chef: alors, ce jour où j’étais sur Aix, seule, et avec quelque chose à fêter, je suis passée devant chez lui, sur le Cours Mirabeau, pour voir.

J’avais un plan B. Je m’étais dit : « si le menu ne me plait pas, j’irai dans mon japonais préféré d’Aix» (le Naruto, tenu par un vrai japonais devenu restaurateur après s’être repenti de la micro-électronique et être tombé amoureux de la Provence).

Mais le menu « Suggestion du jour » m’a plu, le prix (29 euros entrée/plat/dessert) aussi, je suis rentrée, j’ai demandé s’ils avaient de la place, ils en avaient, le sort en était jeté.

Ma première impression en rentrant, c’est « Wow ». Mais pas « Wow » de j’en prends plein la vue. Plutôt « Wow, je suis la plus jeune de la salle ». Et « Wow, les clients sont tous tellement bien habillés ». On est soit sur un déjeuner entre dames d’un certain âge essayant de paraitre 10 ans de moins, soit sur des vieux loups mangeant entre eux, ou avec quelques « moins vieux » loups, soit sur des clients chic habillés comme à une fashion week. Bref, je ne suis pas vraiment dans mon environnement habituel.

HEUREUSEMENT, j’avais le manteau le plus class que je possède, je sortais d’un rendez-vous où j’avais fait un effort vestimentaire et j’étais allée chez le coiffeur le matin même. Oui, c’est quand même le genre d’endroit où on se sent excessivement conscient de son aspect extérieur…

Plat(s)

Le chef est au passe-plat, le service (nombreux) est pro. La salle est quasi-comble à l’exception de ma table et de la table à côté de la mienne (les moins confortables, proches de la porte d’entrée et du courant d’air froid associé).

La décoration de la salle est très soignée : pas tape à l’œil, on peut ne pas la remarquer, mais nickel si on y accorde de l’attention.

Mais moi perso, je suis surtout là pour manger !

J’avais commandé en un clin d’œil, à peine assise. J’avais dû insister pour avoir une carafe d’eau et pas de l’eau en bouteille (je n’aime pas quand ça se passe comme ça).

Je n’avais pas pris de vin : j’ai demandé (chronique oblige 🙂 ) à jeter un coup d’œil sur la carte fournie à mes voisines fraichement installées sur la dernière table libre, et je vois que le « Pentes douces » du Château Lacoste (un endroit magnifique proche d’Aix, visité régulièrement par les stars telles que U2 et Marion Cotillard, et qui fait un vin rouge malheureusement désastreux) est à…43 euros. Aie, ça pique.

La carte est clairement ciblée vins d’apparence. Exemple : il y a du château d’Yquem (of course), mais pas du Rayne Vigneau (le Sauternes 1er grand cru classé d’à côté, 3 fois moins connu mais quasiment aussi bon).

A part le Pentes Douces, je n’ai goûté aucun des vins de cette carte et ne peux pas en commander : je ne jugerai donc pas cette section aujourd’hui.

Mon entrée arrive : chair de tourteau au yuzu et gingembre, gaspacho d’avocat et graines de sarrasin. Je plonge dedans, et découvre non seulement un plat délicieux mais des sensations inédites (première fois que je goûte aux graines de sarrasin, et c’est génial). Tout est là : le fondant, le croquant, la rondeur, l’acidité du yuzu, le côté iodé du tourteau…et même une pointe d’amertume non dérangeante.

Je dois avouer que, jusqu’à maintenant, je ne m’attendais pas à grand-chose en entrant dans ce restaurant. Je savais que j’allais dans un endroit snob, mon entrée en salle me l’avait confirmé…mais là, ce plat m’interpelle. C’est bon. Et c’est couillu, aussi, de démarrer sur une entrée tout en rondeur avec une pointe d’amertume assumée. Pas mal.

Par contre, deux choses me dérangent.

  1. Je n’ai pas eu de pain, il faut que le demande. Quand il arrive, je sauce mon assiette avec et pour le coup, il est quelconque (et je connais les meilleures boulangeries d’Aix, je sais qu’on peut faire mieux !)
  2. Je n’ai pas eu d’amuse-bouche. Ça ne me dérangeait pas (je ne savais pas qu’il y en avait), mais quand j’ai vu l’amuse-bouche arriver chez mes voisines qui ont commandé le même menu que moi, j’ai un peu tiqué.

Finalement, je conclus entre ça et l’épisode de la carafe d’eau que je ne dois quand même pas être la clientèle cible 🙂

C’est l’heure de tester les toilettes. Ne riez pas : je me perds. Je vais au fond de la salle, près du passe-plat, et tombe sur…ma tête dans le miroir. J’avançais un peu plus vite, je me prenais le mur (qui est donc un miroir géant). Je demande de l’aide à un serveur qui m’oriente.

Les toilettes sont cachées ET pour le coup, un peu trop luxe. Porte coulissante automatique, vasque totem (vous savez, ces trucs-là), c’est un peu plus tape à l’œil et un peu moins luxe discret.

Je retourne à table, juste avant que l’on me serve le plat.

Purée, ce plat. Ça va être dur à vous résumer ce plat. J’en salive encore. Il était ÉNORME.

C’était annoncé comme un « croustillant d’agneau, épices douces, compotée d’oignons et raisins et purée de patate douce-tonka ».

Moi, perso, j’ai mangé un truc tellement goûtu que j’ai eu envie de dire « MMMMMMmmmm ! » à haute voix à chaque bouchée. J’ai mangé un truc croustillant, juteux, onctueux, avec des explosions de saveurs dans tous les sens, et de la profondeur de goût. Bref, énorme.

Bon, il faut quand même que je critique quelque chose : il y avait une purée servie à côté du plat. Je l’ai complètement oubliée et l’ai redécouverte en préparant les photos de cet article. Complètement superflue donc !

Là, je commence à me dire que bon, OK, c’est snob. Mais quand même, c’est vraiment très bon. Et du coup, l’ambiance m’importe peu.

Tiens au fait, re-parlons de l’ambiance et des deux hommes à la table jouxtant la mienne (du bon côté). Ceux qui ont commandé un croque-monsieur à la truffe (55 euros) en entrée.

Déjà, il faut que je vous dise un truc : si vous allez au restaurant et que la personne à la table juste à côté de vous est seule, elle va écouter quasiment toute votre conversation. Une pensée, pour la dame du restaurant de Fabien Morreale qui « lisait son journal de Mickey » et qui a dû en fait se délecter de notre conversation.

Je n’ai pas trop envie de révéler trop de détails sur ces deux personnes (qui n’avaient malgré tout pas l’air gênées de le faire), mais en gros, on était sur un ancien grand patron qui était parti à la retraite en vendant sa boîte avec un pactole confortable (le mot « héliport » a été prononcé) et un patron actuel qui dirigeait une boîte de 700 employés avec la dose de stress qui va bien avec (le mot « sommeil » a été prononcé trop de fois pour ne pas avoir l’air d’être une obsession).

Je pousse le trait ? Allez : un homme aux cheveux blancs en costume trois pièces impeccable, en allant payer l’addition, est venu saluer le premier en faisant des blagues sur le fait que « maintenant qu’il était à la retraite, il avait le temps d’aller dans des clubs échangistes », tout en me lançant un regard.

Bref…définitivement, pas mon monde.

Douceurs

J’hésite un peu au moment de confirmer au serveur que je veux le dessert (le même menu sans dessert coûte je crois 25 euros). L’expérience entrée/plat a été tellement bonne que ce serait dommage de tout gâcher.

Mais j’ai envie de pousser le truc, alors je joue quitte ou double et je confirme le dessert.

C’est un « chou craquelin passion, crémeux mangue/gingembre ».

Je taille la première pièce de haut en bas avec ma cuillère, et je mange le tout d’une bouchée.

Et là, c’est grandiose.

Ce n’est pas le fait que ce dessert soit excellent. Il l’est : il est sucré mais léger, croquant mais aérien, et acide. Il est parfait, on sent toutes les saveurs, c’est l’éclate.

Le grandiose, c’est le fait que je ne m’attendais pas à ce que tout ça soit bon, et que j’ai eu une démonstration sans faute en trois points, que ce chef sait vraiment ce qu’il fait et que ce qu’il fait n’est pas seulement bon : c’est parfait, et ça détonne. Et je me suis régalée, malgré un à-priori clairement négatif, des erreurs de service et une ambiance spéciale.

Alors, je n’ai pas grand-chose à rajouter. Je paye, je sors, et je retourne dans les rues d’Aix.

Bilan

Oui, Ronan Kernen est probablement un snob arrogant, vu l’ambiance de l’endroit, vu la clientèle. En ce sens, pas de déformation télévisuelle. Mais ce que la télé m’avait fait oublier, c’est qu’on juge de la cuisine. Et que la cuisine est comme les enfants : elle ne ment pas.

Ce repas, c’est le restaurant avec la plus belle cuisine que j’ai fait depuis le début de cette chronique, et j’ai seulement payé 29 euros pour ça… Franchement, bravo.

Je dirai donc juste que ma collègue avait quasiment raison : Pour une occasion, c’est pas mal…et pour le menu du midi en semaine, c’est probablement le meilleur rapport qualité-prix que j’aie jamais eu.

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