Au théâtre Hébertot, le passé est mis en scène dans un huis clos poignant, avec À tort et à raison, une pièce du scénariste et dramaturge Ronald Harwood. Un duel, autant historique que scénique, interprété par Francis Lombrail et Michel Bouquet, où l’intimidation autoritaire de l’un, va bousculer les convictions immuables de l’autre. Mais face à ses deux acteurs charismatiques, le spectateur sera t-il à son tour, transporté dans le passé ?
Argument
Berlin, 1946. À l’heure de la défaite nazie, le commandant américain Steve Arnold (Francis Lombrail) se retrouve face au célèbre chef d’orchestre, Wilhelm Furtwängler (Michel Bouquet). On lui reproche d’avoir continué à diriger la Philharmonie de Berlin durant le régime hitlérien et d’avoir fraternisé avec le dictateur. Le commandant, convaincu de la culpabilité de Furtwängler, et bien décidé à la prouver, va enfin avoir l’occasion de lui poser « la question » celle à laquelle le maestro n’a jamais répondu clairement. A-t-on raison ou tort d’accuser Furtwängler de compromission avec le régime nazi ? L’art peut-il serrer la main à la barbarie ?
Un genre théâtral…
Si l’on met de côté la tragédie classique, il faut reconnaître que les scènes parisiennes ne s’aventurent guère dans le théâtre historique. Restituer une atmosphère d’après-guerre, pour le vraisemblance de la confrontation, est pour le moins complexe; Et c’est sans excès, que le dépaysement nécessaire au récit est assuré. L’unique décor représente le bureau de Steve Arnold, la scénographie est plutôt sobre et les transitions entre les différentes périodes de cet interrogatoire, sont soulignées par des extraits de musique classique.
… Aux multiples confrontations
La confrontation est le ressort principal de la pièce et l’auteur l’a habilement démultiplié. En effet, la vertu philosophique de l’intrigue, qui est de s’interroger sur l’engagement politique de l’Art, constitue l’arrière-plan de la pièce. Et ce débat contradictoire est personnifié sur les planches, avec les deux personnages principaux, puisque l’un est militaire et l’autre artiste.
Mais pour le public, la confrontation la plus attendue n’est pas celle imaginée par l’auteur, mais celle entre Francis Lombrail et Michel Bouquet. Et le talent de ces deux magnifiques acteurs, qui se partagent l’affiche, n’est plus à démontrer, mais le manque rythme des interrogatoires successifs les éloigne d’un véritable affrontement.
L’effet de miroir
Parce que cette pièce met en scène un événement historique, À tort et à raison dépasse inévitablement la dimension théâtrale. La tension dramatique étant, intrinsèque au réalisme du récit, le public n’en est que plus concerné et engagé. Et au terme de la représentation, le spectateur sera également confronté aux enjeux de la pièce : D’une part, il se questionnera sur son comportement qu’aurait été le sien à cette époque. Et d’autre part, il devra apprécier, à l’instar du commandant américain Steve Arnold, les torts et les raisons, du chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler.
À tort et à raison, au théâtre Hébertot, jusqu’au 31 mars 2016.
Soirée : du mercredi au samedi à 21h
Matinée : dimanche 17h