Le festival Utopiales 2023, qui s’est tenu à Nantes du 1er au 5 novembre, a une nouvelle fois rassemblé les amateurs de science-fiction et d’imaginaire pour une série d’événements marquants. Considéré comme l’un des plus grands festivals européens dédiés à la science-fiction, les Utopiales sont un lieu où littérature, cinéma, sciences et arts graphiques se rencontrent pour explorer des thèmes innovants et captivants.
Un festival Engagé
Aymeric Seassau, adjoint à la culture à la maire de Nantes, a régidé une tribune très forte sur la transmission et le rôle du festival. Dans ce texte, Il souligne l’importance de la transmission à travers le prisme de la science-fiction et des arts. Il évoque des figures comme Prométhée ou Sarah Connor, symboles de lutte contre la fatalité, et insiste sur la nécessité de préserver les savoirs scientifiques et la création artistique. Face à un monde complexe et incertain, la transmission devient un rempart contre l’obscurantisme et un moyen de penser l’avenir.
Un lien fort avec mon rôle d’enseignant
Pour un enseignant, cette idée de transmission est primordiale. Transmettre, c’est offrir aux générations futures les outils critiques pour naviguer dans un monde incertain, comme la science-fiction le fait en anticipant des réalités complexes. Le rôle de l’enseignant est d’encourager le débat, de donner accès aux savoirs tout en favorisant la créativité et l’esprit critique. Cela permet aux élèves de devenir des acteurs de la transformation du monde, dans un esprit de liberté et d’ouverture.
Le festival Utopiales, à travers sa célébration de la science, des arts et de la fiction, rejoint cette mission d’éducation. En tant qu’enseignant, participer à un tel événement ou s’inspirer de ses thématiques revient à donner à mes élèves les moyens d’explorer des idées nouvelles, de se projeter dans des futurs alternatifs et d’apprendre à penser de manière complexe et engagée.
Transmettre, c’est aussi leur permettre de découvrir des mondes où la technologie et la créativité sont des forces pour repenser l’avenir, tout en gardant un regard critique sur les défis qui se présentent à eux.
Une Programmation Éclectique
La programmation de cette édition a, comme toujours, été très riche. En plus des rencontres littéraires avec des auteurs renommés, les Utopiales 2023 ont aussi proposé des projections de films de science-fiction, notamment des avant-premières de pépites dont je n’aurai pas forcément entendu parler autrement. Le festival a également mis en avant des expositions artistiques, qui permettent à la fois de nous faire voyager, découvrir des artistes, et découvrir des approches scientifiques.
Si dessous, le compte rendu de mon expérience lors de cette édition du festival. Mon première étape était un spectacle Son et Lumières pour enfants, parfaitement adapté aux tout petits. Ma fille a deux ans, et comme les autres enfants, elle a été particulièrement intriguée par cette expérience.
Le lendemain, j’ai assisté a un débat sur la série The Leftovers, de loin ma série préférée. Les intervenants ont exploré les parallèles entre la série et les traumatismes collectifs liés à la pandémie de Covid-19. Le débat a abordé le besoin humain de trouver des figures d’autorité (comme le personnage de Raoult pendant la pandémie) et la manière dont l’information, par des algorithmes de réseaux sociaux, pousse à la radicalité et à l’antagonisme, tout comme les personnages des Guilty Remnants dans la série. Cela a été l’occasion pour moi de découvrir l’auteur Nicolas Martin, qui explore régulièrement nombreux sujets scientifiques dans l’émission La méthode scientifique.
Film Restore Point
Synopsis : 2041. Chaque citoyen a le droit constitutionnel de vivre une vie entière. En cas de mort non naturelle, la personne est ramenée à la vie grâce à la technologie innovante “Restore Point”, qui fonctionne grâce à des sauvegardes régulières du contenu du cerveau. Dans ce contexte, la jeune détective Emma se voit confier l’affaire d’un couple assassiné dont l’un des deux n’a pas pu être sauvé par l’équipe de restauration.
Critique : Restore Point se distingue par un univers visuellement riche et immersif, mais pèche par une intrigue trop classique et prévisible. Bien que le concept soit fascinant, le développement des idées et des personnages manque de profondeur. La fin, attendue et sans surprise, n’apporte pas l’impact espéré. Le film aurait bénéficié d’un montage plus concis ou, à l’inverse, d’une durée allongée pour étoffer davantage son propos. Cela reste toutefois un thriller de science-fiction solide, à la facture technique comparable aux productions américaines.
Conférence sur la musique et la science-fiction : intéressante réflexion sur la relation entre ces deux domaines, particulièrement sur la manière dont les bandes originales influencent notre perception de l’imaginaire.
Film Universal Theory
Synopsis : 1962 : lors d’un congrès de physique dans les Alpes suisses, le jeune Johannes défend une théorie sur l’existence de mondes parallèles. Mais personne n’y croit, pas même son tuteur. Les mystères s’accumulent pourtant : une curieuse formation nuageuse dans le ciel ; la présence fantomatique de Karin, cette jeune pianiste qui l’obsède et semble tout savoir de lui… Et ces personnes victimes d’accidents étranges dans la montagne ? Le réel semble bien fragile en ce lieu.
Critique : Universal Theory est une œuvre rare et fascinante, une véritable pépite du cinéma de science-fiction. Avec son rythme lent et sa narration abstraite, il parvient à capturer l’attention de manière subtile mais profonde. Chaque plan est chargé de sens, créant une atmosphère dense et immersive qui laisse place à la réflexion. Ambitieux et généreux, le film ne cherche pas à plaire à tout prix, mais invite à une expérience sensorielle et intellectuelle. C’est une œuvre qui se distingue par sa profondeur et son audace narrative.
J’ai poursuivi mes pérégrinations au festival avec une Conférence sur la recherche, la technologie et la répression : Jeanne A. Débats, Camille Berthelot et Chen Qiufan ont discuté des inégalités sociales dans la science, la manière dont une société sexiste et raciste produit une science à son image, et le rôle de la technologie dans la répression. Jeanne A. Débats a aussi offert un moment particulièrement touchant en abordant des questions sensibles avec bienveillance. Cette conférence m’a permis de découvrir quelques unes oeuvres pour adolescents : Pixel Noir
Le pitch : Pixel est un adolescent solitaire et un crack en informatique. Après un grave accident, son esprit est plongé dans un Virtuel de Repos tandis que son corps est aux mains des médecins.
Mon avis : Clairement destiné aux ados mais efficace. C’est un récit à la fois divertissant et bienveillant, moderne, qui interroge notre rapport à la violence et à la réalité virtuelle.
J’ai enchainé avec une expérience passionnante, organisée par l’association L’Arbre des connaissances : Un jeu de rôle sous forme de débat qui nous invite à questionner l’utilisation des données et la protection de la vie privée : les enjeux de l’enregistrement vidéo, du droit à l’oubli, et des gardes fous technologiques depuis les crises récentes ont été soulevés. La défense de l’innovation a été vigoureuse, mais il manquait du temps pour un débat plus approfondi, un peu trop mécanique.
Une journée très riche qui m’a donné beaucoup de matière pour réfléchir à la transmission des savoirs, à la responsabilité des scientifiques, et à la place de l’enseignant dans ce monde en mutation. Je vais clairement m’inspirer de ce modèle du jeu à débat pour mes cours. Enfin, j’ai terminé mon aventure au festival avec un dernier jeu de rôle et la participation à une Murder Party dans l’espace. Amateurs d’Among Us, cette expérience fera votre bonheur. Nous sommes tous plongés dans un rôle plus ou moins important (simple stagiaire mécanicien, je cache en fait un secret que j’ai réussi à préserver assez longtemps). Peu de meurtres, mais beaucoup de tension, avec des bombes et un compte à rebours qui nous oblige assez vite à jouer nos meilleures cartes face aux autres participants. Un véritable régal
Les Utopiales 2023 ont une fois de plus confirmé leur place de rendez-vous incontournable pour tous les passionnés d’imaginaire et de science. Je n’avais pas pu assister aux deux dernières éditions et je vais tout faire pour en faire un rendez-vous annuel.
