Top Chef Advisor – Grégory Cuilleron – 5inq Mains

La soirée est fraîche et étoilée. Les rues du vieux Lyon sont calmes. Nous sommes au chaud dans un bar, prenant l’apéro en attendant l’heure de la réservation.

Je suis donc en déplacement sur Lyon.

Quelques jours avant d’y aller, j’ai cherché dans ma liste –oui, j’ai une liste… – quel Top Chef avait élu domicile dans le coin (il y en a forcément un !). J’avais choisi rapidement le restaurant de Grégory Cuilleron : « Cinq Mains », car de tous ceux qui ressortaient de la liste, Grégory me paraissait le plus sympathique. Un petit coup de fil, et la table pour deux était réservée, sans souci.

Grégory, vous voyez forcément qui c’est, même si vous n’avez pas suivi Top Chef. C’est quasiment le seul cuisinier amateur qui a fait Top Chef, et en plus dès la première saison. Il avait gagné lors de l’émission « Un diner presque parfait », et cela l’avait qualifié pour Top Chef. Et de plus, même si je n’ai pas trop envie de le réduire à ce simple fait, il est très engagé dans les campagnes pour l’intégration des personnes handicapées. Et pour cause ! Il est lui-même directement concerné, handicapé d’un bras de naissance. Ce qui ne changera absolument rien au fait que l’émission laissera plutôt transparaître sa détermination et sa créativité.

8 ans plus tard, le restaurant de Grégory (ouvert avec son frère et son ami, d’où les « 5 mains ») semble être bien établi dans le vieux Lyon.

Entrée

La façade est moderne, sans être tape à l’œil. La localisation est idéale, entre les quais et les ruelles. Le restaurant n’est pas très grand : quelques tables en bas, la cuisine au fond, quelques tables encore à l’étage (ainsi que les toilettes). Il sera complet vers 20h30.

Nous entrons et sommes dirigées vers l’étage. L’accueil est chaleureux et sobre à la fois. Pas de chichis, du professionnalisme détendu.

La carte tient sur un recto de page A5 : trois entrées, quatre plats, cinq desserts. La formule entrée + plat + dessert est à 33 euros. A priori, la carte change tous les mois pour coller aux saisons.

Alors maintenant, il faut que je vous parle de mon amie Ann, avec qui je vais tester ce restaurant. C’est une amie qui a plusieurs particularités sur le plan culinaire :

  • Elle ne fixe pas les triglycérides (en fait, vous n’avez pas forcément besoin d’avoir cette information pour vous faire une opinion sur ce restaurant, mais c’est pour partager sur l’injustice de la vie…)
  • Elle ne mange pas de légumes et pas de poisson,et, de manière générale, il y a beaucoup de choses qu’elle ne mange pas.
  • Si c’est un féculent, si c’est gras (mais pas trop fort en goût), ou si c’est de la (bonne) viande, elle mange.

C’est donc un vrai challenge, et un vrai risque, de l’amener (que dis-je, presque la trainer !) dans un restaurant où la carte est aussi réduite.

A ce moment-là, je suis donc légèrement anxieuse.

Ceci dit, la carte est pleine de curiosités, et je trouve ça génial. Sur une carte aussi réduite, réussir à sortir des sentiers battus à chaque ligne représente un exploit !

On demande au serveur (qui ressemble beaucoup à Grégory, donc qui doit être le fameux frère/associé) de nous expliquer à quoi correspond le mot « Arancini ». Il résume : c’est un beignet frit (bingo) de riz (re-bingo), fourré à la viande (carton plein !).

La « puma » de Pata Negra correspondant à une pièce de viande, c’est le plat que choisit Ann.

Quand à moi, j’ai vu le mot « cancoillotte » dans un plat, je vérifie juste que le reste me va : à priori, le Brosme est un poisson, donc ça me va.

Plat(s)

La commande passée, le serveur se présente immédiatement avec des amuse-bouche : de la queue de bœuf et une purée de pomme de terre. On croirait que le chef savait qu’Ann venait ce soir.

C’est simple et très savoureux, la queue de bœuf parfaitement cuite et juteuse. La purée est, comme dirait Ann, « de la vraie purée faite maison » : bref, elle est bonne !

Petit regret pour moi, le trait d’huile un peu trop prononcé (oui…on chipote !).

L’entrée est servie dans la foulée, avec une rapidité impressionnante.

Elle est magnifique, et elle sent bon.

Elle tient aussi ses promesses : ce petit côté gluant du riz, ce goût “japonais” indéfinissable dans le beignet qui fond dans la bouche, et puis des points de purée/sauce dans l’assiette, épicés « à la coréenne » (comprendre : qui arrache avec un goût de piment prononcé, et j’adore ça). J’adore ! Une petite salade d’algues et un peu de cacahouètes parsèment le plat, et bizarrement, l’ensemble marche très bien.

Succès du plat pour toutes les deux : c’est intéressant et percutant à la fois. Je laisse 2 points de sauce histoire de préserver mon palais car je n’ai plus de beignet au riz pour les accompagner.

On nous enlève les assiettes, et nous profitons de la pause entre les deux plats pour papoter. Ça me fait aussi du bien de ne pas vivre un repas comme un marathon de plats servis, et d’avoir le temps de passer du temps en bonne compagnie. On l’oublie parfois !

Quelque temps plus tard, les plats apparaissent.

Les commentaires internet ne mentaient pas : c’est copieux !

Je commence par taper dans mon risotto de petit épeautre et à confirmer avec plaisir qu’il a bien un goût de cancoillotte. Puis, je m’attaque au poisson…et suis surprise rien qu’à la découpe. Le morceau est épais, charnu et tendre, cuit à la perfection. Incroyable et délicieux.

A ce moment-là, un morceau de cochon apparait dans mon assiette : c’est Ann, qui a décidé que même si son cochon était à tomber par terre, elle allait avoir la générosité d’en partager un bout avec moi.

Si vous vous souvenez bien, j’ai déjà mangé pas mal de bons cochons depuis le début de cette chronique. D’abord ici, et aussi ici.

Et bien celui-là n’a pas à rougir de la comparaison. Il est aussi charnu que mon poisson (la mâche généreuse d’un cochon gras et plein de jus de viande, je vous le dis, si vous n’êtes pas végétarien, ça vaut vraiment le détour). Il est hyper fondant, avec une petite croûte caramélisée autour…Ann (qui, je le rappelle, mange quand même beaucoup de viande dans sa vie) utilisera pour le décrire les mots « divin » et « magique ».

On nous a apporté du pain au début, la corbeille disparait. Ce pain était délicieux (on aurait bien pris une deuxième corbeille).

De mon côté, le plat est riche, complexe, avec une pointe d’acidité (merci la cancoillotte). Je laisse de côté les morceaux de céleri (je n’aime vraiment pas ça, et ils n’étaient pas annoncés), un peu de peau de poisson (j’ai goûté, c’était bon ! mais pas envie de tout manger), et quelques haricots coco (trop copieux).

En attendant qu’on nous enlève les plats, j’essaie d’être à l’écoute de l’ambiance de la salle. Elle me parait détendue, naturelle. « Venez comme vous êtes » et passez une bonne soirée. Les serveurs y contribuent, ils sont avenants sans être trop présents, polis et pros sans être trop sérieux. A un moment, l’un d’eux ramassera mon écharpe tombée de ma chaise et la reposera sur le dossier sans même me le signaler.

Vue depuis ma place avant que la table voisine ne se remplisse

Quand la serveuse vient enlever les plats, elle s’inquiète car nous n’avons pas tout fini. Nous la rassurons : c’était trop bon, on a juste choisi de manger ce qu’on préférait et de laisser de la place pour le reste en mettant de côté ce qu’on aimait le moins.

Dessert

C’est l’heure du dessert. Ann demande la faisselle, mais juste avec du sucre. Aucun problème pour la serveuse qui ne tique même pas. De mon côté, je dois éviter tout ce qui est acide en ce moment : je penche pour le côté rassurant des scones avec du chocolat chaud et des coings.

Quand le dessert arrive, je suis légèrement déçue par la taille des scones. Le dessert est bon, mais les scones ne sont pas comme je les attendais (un peu trop secs ?). Je nettoie malgré tout l’assiette (on est quand même sur du bon dessert très bien exécuté, mais rien de renversant comme j’ai parfois pu le vivre). La crème montée donnera pendant la dégustation un petit coup de peps bien apprécié!

Pour la fin du repas, Ann commande un café, je demande ma traditionnelle infusion (ils ont ma préférée : réglisse-menthe), et nous finissons tranquillement avec des petits financiers aux pépites de chocolat.

Une balade digestive nous appellera ensuite dans les jolis coins illuminés du centre de Lyon, mais avant ça, il faut payer. La serveuse nous demande si on a passé une bonne soirée, et la réponse commune est indubitablement : oui. C’était très bon, le poisson très bien cuit (vapeur + poêle, c’est le secret, m’explique-t-elle), le cochon aussi.

Et dans ma tête je rajoute : plein de jolies surprises, des goûts intéressants et percutants à la fois, un service agréable, et une amie contente.

Bref, pas vraiment d’ombre au tableau pour ce restaurant, j’y ai trouvé tout ce que j’aimais : de l’originalité, du goût, une bonne ambiance.

Bilan

Pour la blague, en sortant, je me suis arrêtée devant la vitre pour voir si on apercevait le chef dans les cuisines. Je ne l’ai pas vu, et pendant ce temps-là, j’ai expliqué à mon amie chez qui nous venions de manger. Elle me répond : « Ah bon ? Je ne savais pas que c’était son restau ! ».

Et ça, c’est un autre bon point, qui passerait presque inaperçu : en plein cœur d’un quartier rempli de concurrence, ce restaurant ne vit pas sur la notoriété de son chef. Il ne la met d’ailleurs pas en scène, aucun indice nulle part à ce sujet. C’est un restaurant qui tient tout seul, dont la qualité suffit au succès. Et sans ego.

Bravo, monsieur Cuilleron. Et merci à vous et à votre équipe pour la soirée.



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