Des années ! Ça fait des années que je voulais venir chez Quentin et Noémie.
Sauf que…leur restaurant est à Villefranche de Rouergue. Quand j’ai parlé de ce restau à mon entourage, tout le monde a réagi un peu de la même façon : « C’est où, déjà, Villefranche de Rouergue ? ». On connait…de nom, et on a une vague intuition que ce n’est pas la porte à côté.
De mon côté, à chaque fois que je me disais : « Allez, là, c’est bon, on y va ! », je regardais le trajet sur internet et…j’abandonnais.
Il aura donc fallu attendre un road-trip vacancier pour y aller, enfin.
Au menu de la route, une traversée du viaduc de Millau, agréable malgré ma phobie absolue du vide. Puis, quasiment 2 heures plus tard, après avoir roulé dans des hectares de campagne sans voir la moindre ville à l’horizon, la route plonge dans une vallée (celle de l’Aveyron) où est nichée Villefranche. La vue est superbe.
Et là, au beau milieu de la ville, donnant sur la rivière, se dresse une maison qui fait hôtel et restaurant depuis des générations pour les voyageurs. C’est là, au 1er étage depuis la route, que se niche « L’Univers ».
A priori, vu de l’extérieur, ça aurait pu passer pour “un simple restaurant de centre ville (joli, le centre ville) établi depuis des années”.
En fait, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle dans cet article.
La bonne nouvelle, c’est que « L’Univers » est sans aucune hésitation le meilleur restau que j’ai fait depuis le début de cette chronique. Et je dirais même que ça rentre directement dans mon top 5 des restaus que j’ai testés en France.
Et la mauvaise nouvelle, donc…c’est que vous allez devoir vous débrouiller pour aller à Villefranche de Rouergue, fissa (et qu’en général, vous n’habitez pas à côté). Parce qu’un restau comme ça, ça ne se rate pas.
Dès que je me remémore cette soirée, je me sens heureuse, sereine et un tout petit plus optimiste sur le monde.
Amuse bouche
Pour ceux du fond qui n’ont pas suivi (bienvenue quand même !), on est dans le restaurant familial (grand-parental, je crois) de Quentin Bourdy, candidat Top Chef saison 4.
Pendant la Guerre des Restaus de cette saison, Noémie Honiat (saison 3, excellente pâtissière de formation venue se frotter à la cuisine, qui rempilera également en saison 5 où elle finira finaliste) joue le rôle de jury et rencontre Quentin à cette occasion…et paf, ça fait des Chocapic !
Noémie est allée rejoindre Quentin à Villefranche. Quelques années plus tard, ces deux-là ont 2 restaus, 1 mariage et 2 bébés au compteur (et précisent qu’ils font aussi traiteur, au cas où ils s’ennuieraient de temps en temps). Rien que là, chapeau, respect, je m’incline. Personnellement, j’ai l’impression de ne rien faire de ma vie depuis que ma fille est arrivée (mais c’est parce que j’ai besoin de dormir).
Je ne sais pas comment font Quentin et Noémie, mais si le niveau actuel de leur restaurant est le niveau d’un restaurant géré par deux personnes en manque chronique de sommeil depuis 3 ans (âge de leur fils aîné), j’ai hâte d’y retourner quand leurs enfants seront ados et feront des grasses mat. Bref, je divague.
On a réservé par téléphone, deux semaines à l’avance. Et déjà, la conversation que j’ai eue donnait une partie du ton. La dame (que j’ai imaginée comme une grand-mère aveyronnaise à partir de sa voix) me dit que je n’ai pas le bon numéro pour réserver, et je l’entends se déplacer afin d’aller quand même à l’endroit où ils coordonnent les réservations. Elle s’occupe de moi, et nous raccrochons, sans chichis.
Le jour J, nous arrivons…en avance (je commence à avoir honte d’écrire ça), et nous en profitons pour prendre quelques photos. Avec la lumière du couchant, l’ambiance est calme, presque magique. Je vous laisse juges.
Entrée
On rentre et on se retrouve dans une salle toute noire. La dame qui se trouve à l’entrée nous interpelle, on explique qu’on a réservé, elle nous envoie à l’étage. Ici, c’est éclairé, c’est lumineux, et cosy à la fois. En haut de l’escalier, on tombe sur la réception du restaurant, où, face à l’écran, face à la salle, et dos à nous, se trouve…Quentin Bourdy.
Surprise ! Le chef n’est pas en cuisine, mais bien en salle. C’est lui qui nous accueille et nous installe. Moi, en fan-mode impressionnée, je ne me souviens plus de ce que je dis.
Assis, nous prenons l’ambiance de la salle. Calme et détendue, avec un personnel pro et attentif.
On nous apporte le menu, où l’on constate une page entière d’introduction. Cette page, je la survole : moi, je veux voir le menu. Sauf qu’une fois mon choix fait, j’y retourne, et là, je tombe des nues. Je l’ai prise en photo, pour vous en faire profiter.
C’est une explication de texte humble. Pour dire qu’ils essaient. Qu’ils galèrent. Qu’ils ont fait des erreurs. Et qu’ils gardent leur ligne directrice : faire plaisir en cuisine.
C’est génial, et ça donne le ton. J’adore.
En bonus, une page entière liste la provenance des plats (désolée, c’est flou…). Je suis encore plus conquise.
Niveau commande, on a réfléchi, on a hésité, et on a finalement choisi le menu à 42 euros avec entrée, plat, fromage travaillé, et dessert.
Les raisons sont simples :
- On ne reviendra pas de sitôt, autant tout tester !
- En général, le dessert c’est quitte ou double, et en plus un dessert de Noémie, ça ne se rate pas…
- Un fromage travaillé ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ?
On commande au chef, qui nous demande nos restrictions alimentaires. Personnellement, je ne peux pas manger de poivron, et je sais que c’est la saison, alors je le signale…et Quentin me répond qu’effectivement, j’ai bien fait de le dire (on verra plus tard que la gestion de la situation sera hyper bien faite).
En bonus, on commande 2 verres de Cahors. La carte des vins n’est ni trop longue ni trop courte, avec ce qu’il faut de vins locaux et de classiques. Les verres nous accompagneront jusqu’au plat, juste comme il faut.
Le chef repart, et on est immédiatement servis avec un amuse-bouche : des rillettes de canard.
Oui, vous n’avez pas rêvé, on vient de se faire servir une bonne petite assiette de rillettes maison (avec l’assiette de pain juste assez fournie pour ne pas s’en gaver mais pour en profiter quand même) pour amuse bouche.
Je suis aux anges : c’est franc du collier, c’est direct, c’est local, c’est maison, et mamma mia…c’est bon !
Pendant ce temps, derrière nous, une table vient d’arriver avec 2 adultes et un petit garçon de 2-3 ans. Les serveurs amènent tout de suite du pain au petit avec un sourire. J’ai retenu l’anecdote comme signe absolu du soin bienveillant apporté au client dans ce restaurant.
Mais on continue avec…un deuxième amuse bouche ! Un tartare de saumon citronné à la moëlle de légume ancien.
Bon, alors les gars, on a même pas attaqué le repas, mais là, je ne sais déjà plus quoi dire sans tomber dans les louanges caricaturales. C’est parfaitement assaisonné, c’est frais, et c’est aussi délicat que les rillettes étaient franches.
On a donc eu, avec deux amuses-bouches complètement opposés et complémentaires, un 360°C complet (et délicieux) des talents de la maison.
Et…ce n’est que le début ! Pendant ce temps, je vois Quentin passer en salle, bavarder avec les clients, puis ramasser une bouteille de limonade qui n’avait pas été débarrassée sur une table en extérieur. Bref, c’est le patron, dans le bon sens du terme : il fait son travail et se trouve à son poste, sans supériorité mal placée.
Et l’équipe, elle, est détendue, parfaitement polie, et efficace. On sent une ambiance saine régner, et en plus, ils ont l’air heureux.
Plat(s)
Habituellement, je vous parle beaucoup de l’ambiance et aussi des plats. Mais là, je n’ai pas envie de vous mentir : ce qu’on mange est tellement bon que ça prend naturellement toute la place, que ce soit dans nos têtes ou dans la conversation.
Alors, commençons par l’entrée ! Et ça commence très fort.
Une tarte à la tomate avec une crème de fromage (du cantal, je crois). C’est…indescriptible. C’est tellement bon. C’est tellement simplement bon. C’est une tarte à la tomate, comme si moi je l’avais faite, avec la pointe de moutarde qui va bien, mais des tomates infiniment bonnes, et la pâte feuilletée qui croustille, et la crème au fromage local qui envahit le fond de l’assiette. Je n’ai jamais autant eu envie de saucer l’assiette jusqu’à la dernière goutte (d’ailleurs, je l’ai fait).
C’est l’heure du plat, maintenant.
J’ai vu arriver ceux des voisins, et je suis surprise de constater que nous n’avons pas le même. La faute au poivron trop présent dans le plat du jour. Mais vous voyez, là où habituellement on se serait contenté d’enlever le poivron dans le plat de la dame qui l’a demandé, ici, j’ai juste eu un autre plat. Histoire d’apprécier les plats dans leur juste valeur, tels qu’ils ont été construits par le chef. Et, j’ai aussi beaucoup apprécié que mon compagnon reçoive le même plat que moi, et puisse partager ce plat et qu’on le commente ensemble.
Alors, je suis d’accord, c’est aussi sympa de commander des trucs différents et de partager (on le fait souvent), mais quand on part sur des menus « surprise », on aime bien pouvoir manger la même chose et en parler. Et du coup, je me dis qu’encore une fois, l’attention bienveillante est partout. La réflexion autour du confort du client et de la meilleure expérience possible pour lui est vraiment là. Bravo, les gars.
Bon, et sinon, on mange quoi ? Du cochon de 7 heures, de la courgette, un petit cromesquis au cœur coulant (big up Noémie !)…et du matcha dans la sauce. Le cochon frôle le niveau de « meilleur cochon du monde » (voir cet article). La courgette aurait pu être un peu en dessous du niveau global de la soirée, mais le matcha (que je pensais initialement être là plus pour la déco) vient vraiment relever le tout, juste comme il faut. Un petit coup de fouet, et un lien entre le jus du cochon et le goût des courgettes. Je n’arrive pas bien à l’expliquer, mais en tout cas, dites-vous que : c’était TRÈS bon.
Douceurs
On arrive maintenant au drÂme (non, pas de faute de frappe) : le fromage travaillé. Ce soir, c’est du roquefort, avec de la physalis et un sorbet acidulé.
Alors, comment vous dire…le drame, c’est….
….
….
….Mais POURQUOI personne d’autre ne fait ça ???
En fait, maintenant qu’on a goûté, ça nous parait tellement évident : une viande, c’est travaillé, un poisson, c’est travaillé, un fruit, un légume, travaillés : hé bien, le fromage aussi, le voilà travaillé !
Et ce moment du repas au restaurant redevient le travail d’un produit à part entière, un plat avec une valeur, bref, de la cuisine… et pas juste un « concours de bite du meilleur plateau de fromage » (même si attention, les vrais bons plateaux de fromages restent des vraies bonnes raisons de se déplacer dans certains restaurants).
Alors, en plus, comment vous dire, déjà rien que sur l’idée, c’est génial, mais la réalisation est tellement exquise et équilibrée qu’on est sur un nuage de roquefort. Mon assiette est vide, intacte, comme lavée. J’ai encore le goût dans la bouche 1 mois et demie plus tard, au moment d’écrire ces lignes.
C’est (déjà) l’heure du dessert. Ce soir, c’est une petite fraicheur de saison : du melon, du pignon de pin croquant, et de la glace à la menthe.
Je fonds, en même temps que la glace dans ma bouche. Je n’en reviens pas : incroyable que le repas soit autant sans faute, aussi régulier, aussi bien exécuté.
A ce moment-là, Quentin passe nous voir : il vient pour…s’excuser.
Il nous explique qu’il va quitter le restaurant parce qu’il est attendu pour une prestation à l’extérieur (le samedi soir à Villefranche de Rouergue, en août, ça doit aussi être le jour des mariages).
On en profite pour le remercier, et vous imaginez bien qu’après un repas comme ça, malgré ma timidité, j’envoie tout ce que je peux envoyer en quelques mots pour dire mon bonheur d’avoir mangé ici. Et je vois son visage s’éclairer : il est SINCÈREMENT content.
Je suis bluffée.
Finissons quand même avec un petit rituel, l’infusion de verveine et de citronnelle séchée ici, à 3 euros chacune. En toute simplicité, comme chez les copains.
Bilan
Ce repas était parfait. Tout était réussi. Les intentions étaient belles et l’exécution, sereine et professionnelle.
En fait, chez Quentin et Noémie, on cuisine (et on pâtisse) avec AMOUR. Le mot est lâché.
Et rien que ça, les gars, c’est tellement rare et précieux que ça vaudrait déjà le détour.
Mais quand en plus, on rajoute de la sincérité, de la spontanéité, que chaque plat a reçu la même attention, qu’on est aussi sur des produits locaux et de saison, que le niveau est élevé du début à la fin, et que l’accueil est simple et chaleureux, pour moi on atteint l’équation parfaite.
Je ne pensais pas qu’un restaurant comme cela pouvait exister. C’est un peu comme si j’avais trouvé l’homme de ma vie, mais en restaurant. Je sais que c’est fort, mais c’est si rare de trouver des endroits où l’on se sent bien, simplement, sans chichis, et heureux, qu’il faut chérir ce genre de situations.
Pour moi, vous êtes chanceux, car je viens de vous donner mon meilleur filon : allez à l’Univers à Villefranche de Rouergue. Vous serez heureux et le monde vous paraîtra meilleur.