Vous n’allez pas en croire vos yeux. Allan Barte contre les zombies est un immense coup de pied dans la fourmilière. Crépuscule des idoles, la bande-dessinée européenne ne va pas en sortir indemne. Allan Barte ose tout, il n’a pas peur de se coltiner les missions historiques. Non seulement il nous fait entrer dans l’ère post-moderne en jouant constamment avec la pop culture (son double de papier affronte des zombies dans un monde où les gens connaissent les films de zombies !), mais en plus il s’amène avec un style minimaliste à deux doigts du mal dessiné ! Ça va en faire bondir plus d’un mais c’est le prix à payer pour faire enfin sortir la bande-dessinée actuelle de son amidon. Feuilleter Allan Barte contre les zombies c’est mettre Demain en marche.
Voilà éventuellement ce qu’on aurait pu écrire sur le bouquin s’il était sorti en 1990.
Synopsis
La sortie du jeu vidéo Panda Magical World 7 est prévue dans une semaine. Sept jours d’attente interminable qu’Allan, grand fan de ce jeu, a décidé de meubler en rejouant à tous les opus précédents de la franchise. Quand, au bout d’une semaine, Allan sort enfin de son appartement pour acheter ce Graal tant espéré, il découvre avec horreur que le monde a été envahi par les zombies, ce qui risque un peu de compliquer l’acquisition du jeu…
Critique
Mais, comme je le sous-entendais en intro, l’impact de la bande-dessinée ici présente est rapidement limité par ce que la proposition a déjà été faite par une centaine, voire un millier, d’autres types précédents. Le dessin naïf, l’autofiction, on connaît, Barte sans surprise est disciple de Trondheim. La parodie du genre zombie, c’est pareil, on a vu Shaun of the Dead, Bienvenue à Zombieland, et je ne cite que les deux titres les plus connus – la parodie du genre zombie est presque devenue aujourd’hui un genre à part entière. Et là, ça pèche vraiment. Barte va loin dans l’absence d’idées. On retrouve mécaniquement tous les ingrédients de la parodie zombie, blagues méta, guide de survie rigolo, techniques de défense farfelues, joies et peines de la solitude apocalyptique… Quand Barte propose une situation originale, il laisse tomber dans la page qui suit, généralement pour faire un gag, tel cet épisode où le héros, troublé par les nénés de la femelle zombie qu’il s’apprête à disséquer, répudie ladite comme un one-night stand embarrassé.
Quelle est alors la plus-value Allan Barte, à l’intérieur du genre ? Une certaine désinvolture, qu’on ne peut s’empêcher de considérer par moments non pas comme un parti-pris mais comme la conséquence d’une implication molle. Il est certain que des fois le dessinateur s’amuse à aborder le genre d’un point de vue pragmatique – le héros est confronté un moment au fait que tuer des zombies, avec les jets de sang, ça fait beaucoup de lessive – mais ce qu’il fait le plus souvent, comme je disais, c’est s’abandonner sans conviction à la convention. Je me doute qu’Allan Barte n’avait pas pour but, en confectionnant ce livre, de bouleverser l’histoire de la bande-dessinée. Mais il s’est manifestement donné le but de faire marrer. Comment espérer obtenir de bons rires avec un matériau qui a déjà traîné partout ? Allan Barte, et on ressentait ça dès le Petit illustré des gros clichés d’Hollywood, l’œuvre qui l’a fait connaître, ne déclenche au mieux qu’un sourire de connivence, comme l’énième variation d’un vieux mème. Bref, c’est un petit livre qui défie le baromètre de mon cœur ; selon que je suis de mauvaise ou de bonne humeur, je peux le trouver au pire sans intérêt au mieux prometteur.
Faites-vous votre propre idée en lisant la bande dessinée !