Blanc sec et série noire : ou comment mener une enquête gastronomique et œnologique au cœur des vignobles du béarnais. Mais il faut se méfier des régions frontalières : de drôles de marchandises y circulent, bien éloignées des productions qui en font la renommée. Et si les habitants du cru semblent accueillants, leurs sourires ne cachent-ils pas des secrets inavouables ? Bref, réfléchissez-y deux fois avant de boire votre petit verre de vin blanc cul sec !
Résumé
Une ville étudiante de province en proie à une vague d’overdoses foudroyantes et incompréhensibles… Une enquête longue et difficile s’annonce pour le lieutenant Loubeyres. Bien plus qu’une enquête policière, Blanc sec et série noire est un véritable roman noir.
Pour son deuxième roman, Philippe Lescarret continue de s’intéresser au mal‐être de la jeunesse, après la prostitution étudiante dans Nous n’irons plus au bois, il s’attaque ici aux ravages de la drogue. Il dénonce ainsi les méfaits de cette économie parallèle, en mettant en avant l’ingéniosité des narco‐trafiquants de plus en plus inventifs pour faire circuler leurs produits. Cette enquête est aussi l’occasion de s’immerger dans le monde viticole.
« Je travaille depuis 22 ans auprès de jeunes. J’ai côtoyé de nombreux jeunes en difficulté, surtout en internat de lycée professionnel où j’ai vu certains d’entre eux sombrer dans le cannabis. C’est ce parcours qui m’a inspiré. L’histoire est toujours la même. On les voit arrêter le sport, se désocialiser, abandonner leurs études, couper les ponts avec leur famille et ne plus vivre que pour la fumette qui devient une obsession. Ni les flics, ni les profs, ni les psys n’arrivent à lutter contre ce phénomène. Voilà ce que j’ai essayé de dénoncer entre les lignes.»
Après la découverte du cadavre d’un viticulteur jurançonnais, une série de morts violentes s’abat sur Pau et sa région. Jeunes issus des quartiers nord, fils et filles de notables, aucun milieu n’est épargné. Que cachent ces overdoses à répétition ? Qui en voulait à Capdevielle ?
Le lieutenant Yann Loubeyres et ses coéquipiers de la PJ mènent une enquête compliquée. Entre trahisons, adultères et intérêts financiers, le monde de la viticulture n’est pas une confrérie aussi unie qu’il n’y paraît. Et même dans les caves où le vin coule à flot, les langues ne se délient pas facilement.
Critique
Il s’en passe des choses dans les vignobles autour de Pau !
Manifestement il n’y a pas que des grappes de raisin et des bouteilles de vins qui circulent dans la région, y compris sur les petites routes de ce coin du Béarn. Et pour ceux qui veulent s’approprier la cargaison, le risque est plus qu’élevé. Car, si en France il y a une chose qu’il ne faut pas attaquer, c’est bien le pinard. Mettre en cause ce qui fait la gloire de nos contrées, ici le Jurançon, s’avère être un crime de lèse majesté.
Mais Blanc sec et série noire n’est pas qu’une ode au nectar béarnais, même si le Jurançon se trouve au centre du roman. Il est avant tout un roman policier qui s’attache à suivre les investigations d’un groupe de la Police judiciaire paloise dans sa recherche de criminels comme dans ses activités quotidiennes contre la petite et moyenne délinquance, ainsi que dans ses rapports avec les jeunes trop vite laissés en marge de la société.
Écrire un roman policier régional s’apparente à un exercice complexe. Il faut concentrer dans un format donné – pas trop long en l’occurrence – des spécificités propres à la région, des personnages dotés d’une certaine profondeur, ne pas nuire à l’attractivité touristique avec des scènes ou des atmosphères trop angoissantes, tout en menant une intrigue réaliste et accrocheuse pour le lecteur. Philippe LESCARET s’en sort plutôt bien. Il parvient à donner une belle profondeur à ses personnages sans se fourvoyer dans la caricature. Il s’amuse en intégrant dans son récit de nombreuses références à l’actualité des faits divers ou télévisuelles, mais il n’évite pas toujours l’écueil d’une certaine facilité en se faisant plaisir. Aussi parfois il en fait un peu trop, et quelques passages n’apportent pas grand chose à l’histoire. Il est également dommage que la ficelle conduisant au dénouement soit un peu grosse, s’appuyant plus sur le hasard que sur ce qui fait la force du roman, à savoir une logique et une rigueur dans la traque de coupables…
En fermant Blanc sec et série noire, on sait tout sur les cépages composant le Jurançon et les autres vins du pays, sur la structure des exploitations viticoles et les grandes phases de la distillation. On en connaît un bout également sur la vie d’un policier de la PJ, affrontant tour à tour élites municipales, syndicats professionnels entre deux filatures de petits trafiquants.
C’est semble-t-il l’ambition affichée de cette collection qui se fixe comme objectif de mieux connaître « dans le Sud, ses villes, ses villages, à la découverte des habitants, de leurs traditions, leurs secrets ».
Et de ce côté là il faut reconnaître que c’est bien réussi. Y aura t-il une suite aux aventures de l’inspecteur Loubeyres ?
Blanc sec et série noire
Philippe LESCARET
Editions Cairn – Collection du Noir et Sud, 2017