Dépendances, une pièce écrite et mise en scène par Charif Ghattas, est actuellement à l’affiche du Studio Hébertot. C’est une histoire empreinte de rancoeur et de douleur, avec deux grands comédiens sur la scène Francis Lombrail et Thibault de Montalembert. Un formidable duo pour interpréter ce huis-clos familial, qui entraine imperceptiblement le spectateur sur les pas du non-dit.
Pour régler une affaire de succession, Henri et Tobias ont rendez-vous dans l’appartement familial. Presque deux ans sans s’être vus – on comprend vite pourquoi – tant les deux frères semblent comme des pôles opposés. Pudique, en apparence affranchi de la structure familiale, Henri y va à reculons, tandis que Tobias, animal écorché vif resté vissé à l’enfance, peine à contenir sa tempête intérieure. Il peste, fulmine, s’emporte contre Carl, le troisième frère qu’ils attendent et qui est en retard. Ce retard anodin fait monter la tension. À moins que ce ne soit Carl lui-même le véritable problème.
Dépendances est au pluriel. Parce qu’il y a dans cette histoire autant de relations entre les personnages, que de personnages présents ou non sur la scène. Et puis il y a la succession. Cet argument initial qui à grand renfort de ressentiments étalés et de sentiments cachés, présente aux deux frères l’addition brutale de leurs dépendances. Cela donne à Francis Lombrail et Thibault de Montalembert une formidable occasion de se confronter sur la scène du Studio Hébertot. Dès la première seconde, ces deux comédiens interprètent admirablement les personnages tourmentés de ce véritable drame. Faille contre faille, ils se confrontent également à Carl, ce troisième frère si absent, si présent.
Dépendances, c’est l’histoire d’un triangle amoureux, d’un secret douloureux qui pour les spectateurs se révèlera être une plaie toujours ouverte et immensément vive.
Côté décor, une table et deux chaises sont disposées sur la scène. Une simplicité étudiée puisqu’elle renvoie aussi cette impression de manque et d’absence. La mise est en scène est également sobre, sans artifice, mais au fil de l’histoire l’espace de jeu envahit davantage l’endroit en utilisant l’escalier, l’étage mais aussi le mur…
Entre non-dit et faux-semblant
Puis, la révélation. Elle arrive à la fin de la pièce et s’apprécie au détour d’une réplique. C’est un aveu presque évident pour les frères, alors qu’il est particulièrement surprenant pour les spectateurs. On aimerait presque que ce dénouement soit un rebondissement, afin de prolonger l’histoire autrement, par la suite.
Dépendances est programmé au Studio Hébertot pour dix représentations exceptionnelles. C’est une salle atypique que l’on aperçoit tout d’abord au loin, comme une dépendance plutôt discrète à l’arrière du théâtre du même nom. Proches de la scène, les spectateurs le sont aussi des comédiens, et l’émotion est ainsi directe, sans intermédiaire. La tension dramatique est alors parfaitement visible, audible, et l’utilisation de l’espace, de tout l’espace, est astucieuse.
Le public suit avec beaucoup d’attention le drame qui se noue, et dénoue face à lui. Et telle une immersion pendant plus d’une heure, le public plonge en toute confiance dans cette eau claire, du moins en apparence…
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