Gaby Girod dirige le cinéma d’art et d’essai La Grange depuis sa création. Elle soigne beaucoup sa programmation et l’existence de la Grange est d’une importance fondamentale à Delémont, capitale du Jura certes mais où la vie culturelle est, avouons-le, assez pauvre. Le seul autre cinéma qui y existe encore est le Cinémont, un cinéma associé à un complexe sportif de terrains de badminton et de bowling qui passe les films étrangers le plus souvent en version française. En août la Grange organise de plus des séances de cinéma en plein air, dans la cour du château de la ville. Gaby Girod a été honorée par la ville de Delémont en 2014 à juste titre pour ce qu’elle fait pour la ville. Nous l’avons rencontrée.
I. Comment la passion du septième art est-elle venue chez vous ?
Tout d’abord, petite fille, nous allions en famille et j’allais également en vacances chez ma grand-maman paternelle à Bévilard. Sa maison se trouvait en face du cinéma Palace et j’étais intriguée par cette ”maison à images” où nous n’osions pas aller.
Plus tard, j’ai fréquenté le ciné-club, suis allée au Festival de Locarno et là, le virus a pris.
II. Pouvez-nous parler un peu de votre parcours ?
Parcours tout à fait conventionnel. La coopérative du cinéma La Grange est née, le cinéma a ouvert et, en tant qu’employée de commerce, je suis approchée par le comité pour m’occuper de la comptabilité du cinéma. C’est de là que tout est parti. Au début, il y avait plusieurs commissions (technique, programmation, etc.) et, ensuite, Monique Steulet étant malade, elle m’a demandé de la remplacer; ce que j’ai fait. Pour répondre au mieux à l’actualité (il faut penser qu’à l’époque de petites villes comme Delémont avaient les films parfois 6 mois après la sortie) et saisir les différentes opportunités, j’ai demandé à ce que la commission programmation soit dissoute. Dès ce moment-là, la programmation sera uniquement entre mes mains.
III. Que pensez-vous du cinéma suisse ?
Comme dans toutes les cinématographies, il y a du bon et du mauvais. Ce que je n’aime pas, c’est visionner un film et me dire ”c’est un film Suisse”. Mais nous avons eu des films magnifiques du temps de la nouvelle vague avec Tanner, Soutter, Goretta, Roy et Lagrange. Plus tard, il y a eu Fredi Murer avec ses magnifiques films, dont Höhenfeuer ou encore Daniel Schmid, mon réalisateur Suisse préféré, décédé beaucoup trop tôt. Je pense que c’est le seul réalisateur Suisse dont j’ai vu tous les films. En plus, c’était aussi un scénariste, car la plupart de ses films ont été réalisés d’après ses scénarii.
IV. Que pensez-vous des festivals suisses comme Locarno, et de la manière dont le cinéma en Suisse est valorisé (cinémathèque de Lausanne, etc) ?
Le Festival de Locarno est important pour la Suisse en général, car c’est tout de même un grand Festival européen, certainement le quatrième après Cannes, Venise et Berlin. Le cinéma Suisse est bien valorisé avec les Journées de Soleure, section parallèle de Locarno et bien d’autres choses.
V. Comment choisissez-vous les films que vous diffusez ?
En principe, j’essaye d’avoir une programmation assez éclectique afin que, sur une semaine cinématographique, une personne aimant le cinéma y trouve son compte. Ce n’est pas toujours possible, mais j’essaye. Je trouve les spectateurs toujours trop ”frileux”, car ils ont de la peine à se rendre au cinéma pour voir un film dont ils n’ont pas entendu parler. Et, les petits ”bijoux”, sont très souvent des films dont on ne parle pas, du moins la presse.
VI. Un chef-d’oeuvre établi que vous abhorrez ?
J’arrive toujours à trouver quelques bonnes choses, même dans des films que je n’aime pas.
VII. Un film que vous avez honte d’aimer mais qui vous fait du bien ?
Vous savez, entre ”aimer” un film et trouver un film très bon, même chef-d’oeuvre, la marge est parfois fine. Je pense être une bonne spectatrice. Il y a beaucoup de films que je trouve ”biens”, sans plus, mais ils m’ont détendus.
VIII. Le film que vous montreriez en boucle à votre pire ennemi pour le torturer ?
Je ne souhaite jamais du mal aux autres, donc je ne vous dirai rien!
IX. Pensez-vous qu’à Cannes ce sont toujours les mêmes qui viennent ?
Cannes, c’est un peu ”nombrilliste”, mais c’est une vitrine magnifique pour le 7e art. Ca fait parler, ça donne éventuellement le goût à certains d’aller ou retourner au cinéma. Donc, seulement pour cela, c’est bien.
X. Que pensez-vous de la distinction ”film d’auteur »/ « film populaire » ?
Un film ”d’auteur” peut parfois être également un film ”populaire”. Je n’aime pas trop qu’on ”catégorise”. Certains films ”populaire” sont de très grande qualité et, certains films d’”auteur” de réels navets.
XI. Que pensez-vous de la distinction « films de scénario » et « films de mise en scène” ou films de romancier » et « films de poètes » ?
C’est comme ci-dessus, il ne faut pas trop catégoriser.
XII. Un film qui vous fait mourir de rire métaphoriquement.
Il y en a plusieurs, mais avec l’âge la mémoire des titres commence à faire défaut !!!
XIII. Votre top 10 pour 2016.
En vrac, les films que j’ai bien aimés : Ma vie de courgette – Demain – I, Daniel Blake – Corn Island – Les innocentes – Julieta. Enfin, c’est difficile, car j’en ai aimé beaucoup, mais je ne me souviens plus de tout, il faudrait que je passe du temps à chercher les sorties 2016.
XIV. Vos plus grandes attentes pour 2017.
De bons films, divertissants mais aussi qui font un peu réfléchir, de bons scenarii.
XV. Le mot de la fin
Que le cinéma La Grange survive !
Remerciements à Gaby Girod.