Beau plaidoyer que cet essai pour le droit à la défense, quel que soit l’horreur du crime commis. Il faut tout le courage de Véronique SOUSSET pour s’y atteler et décrire ce que fut sa vie quotidienne tout au long de l’affaire, portant le lourd fardeau de celle qui défendit l’indéfendable.
Résumé
Commise d’office pour défendre un père assassin de son enfant, Véronique Sousset nous plonge dans l’instruction et le procès de ce fait divers terrible. Comment se faire l’avocate du diable ? Document saisissant sur le quotidien d’un avocat, réflexion sur le sens de la défense et sur le Mal. Premier document non-fiction publié dans la brune. L’affaire relatée est la même que celle dont s’est inspiré Alexandre Seurat dans son roman La Maladroite.
Critique
Pas facile de sauter le pas, d’être l’avocat de la défense d’un meurtrier d’un de ses enfants. Véronique SOUSSET le franchit, sans renier ni ses idées, ni ses sentiments, ni parfois et malgré elle, sa répulsion envers celui auprès duquel elle va être son conseil.
Pas de pardon, pas de justification des actes commis. Véronique SOUSSET nous rappelle, dans cette époque ou les lois s’accumulent dès qu’un acte choquant est médiatisé, que la morale n’a pas sa place dans le droit, et que tout le monde doit pouvoir être défendu.
Elle nous renvoie également à notre nature en nous obligeant à nous interroger. Elle nous explique par exemple qu’il est plus simple de considérer ce type de meurtrier comme un monstre que d’admettre qu’il est un homme, avec toutes les interrogations que cette dernière constatation induit.
L’avocate décrit son quotidien : les entrevues dans les parloirs, le procès, les rendez-vous chez le juge, les contacts avec les experts. Elle décrit aussi son quotidien extra judiciaire, si difficile à séparer de ce dernier dans ce type d’affaires : ses rapports complexes avec son entourage, sa solitude et le poids des regards qu’on lui porte pour oser défendre ce que la majorité considère comme indéfendable.
Dans Défense légitime les questions fusent et nous interpellent : « Qu’est-ce que faire sa peine ? », « Un assassin d’enfant peut-il aimer ses enfants ? », « A quoi sert la prison à perpétuité ? ». Elle n’y répond pas toujours, elle nous force à réfléchir, à bousculer nos préjugés et, comme elle, à chercher des pistes pour nous forger une opinion, en s’aidant de réflexions, de citations, qu’elles soient issues de chansons ou de philosophes.
Il faut lire Défense légitime avant de regarder le JT de la télé ou les infos diffusées sur les radios ou les chaînes en continu, pour ne pas se laisser embarquer dans le tourbillon provoqué par ce type de fait divers pour manipuler l’opinion vers des idées simplistes et souvent dangereuses.
L’essai de Véronique SOUSSET n’a pas la vocation de donner la bonne parole, de changer la législation ou le système, de défendre une théorie. Avec des mots de tous les jours, celle qui fut directrice d’un établissement pénitentiaire raconte juste son quotidien.
En une petite centaine de pages, ce texte est accessible par tous. Il devrait être recommandé pour tout ceux qui seront peut être appelés, selon le hasard d’un tirage au sort sur une liste électorale, à être juré dans une cours d’assises, à savoir presque chacun d’entre nous.
Défense légitime
Véronique SOUSSET
récit – la brune au rouergue
ROUERGUE – 2017