Vous aimez le rhum ? Vous aimez les contes ? Rien ne s’oppose donc à la lecture de La sérénade d’Ibrahim Santos, une belle histoire pleine de poésie et par bien des côtés tellement actuelle, se déroulant dans un pays imaginaire mais si proche.
Résumé
Dans la bonne ville de Santa Clara, celle qui produit le meilleur rhum du pays, personne n’est au courant de la révolution que le dictateur Alvaro Benitez a menée il y a une vingtaine d’années. Les habitants vivent et cultivent au gré des sérénades d’Ibrahim Santos, musicien météorologue. Alors forcément, l’intrusion des troupes armées révolutionnaires, et plus encore, l’arrivée d’un jeune ingénieur agronome brillantissime, vont quelque peu bousculer les habitudes…
Sur le mode du conte, avec une pincée de réalisme magique, Yamen Manai moque ici les prouesses de nos avancées technologiques et parodie allègrement ces dictatures modernes qui souvent perdurent.
Critique
La sérénade d’Ibrahim Santos s’adresse aux amateurs de rhum. Enfin pas qu’aux amateurs de rhum. Il s’adresse aussi aux musiciens (voir le titre et la couverture), aux amoureux des Caraïbes et plus largement de l’Amérique centrale et du Sud, aux peuples luttant contre les dictatures, aux protecteurs de la nature et, avant tout, aux amateurs de belles lettres et de contes.
S’il peut réunir tout ces types de public c’est grâce aussi à ses qualités : un style flamboyant sans être prétentieux, une écriture avec un vocabulaire riche mais toujours accessible à tous les lecteurs. Si les allégories et les métaphores se succèdent c’est sans digressions inutiles. L’aventure est toujours présente, et l’envie de connaître “la suite” ne se trouve jamais contrariée, ce qui constitue, pour un conte, fusse-t-il moderne, la première des exigences.
Mais, comme tout conte, tout n’est n’est ni beau, ni rose, et encore mois serein. Il n’y a plus de paradis sur terre (mais y en a-t-il déjà eu un ?). Il n’existe que des lieux et des moments paradisiaques et La sérénade d’Ibrahim Santos nous le rappelle. Il y a aussi de la violence, des larmes, du sang et des morts, soit-disant justifiés par quelques termes aussi vagues que creux comme la nécessité d’intégrer de la “modernité” dans la vie quotidienne ou d’abandonner sa vieille culture, avec ses qualités et ses défauts, pour s’engager dans une démarche de “progrès”. Métaphores, avions-nous dit…
On l’aura compris, Yamen MANAI nous offre, avec son ton léger et plein de poésie, plusieurs niveaux de lecture.
Il n’en reste pas moins que ce rhum de Santa Clara, ma foi, on a envie d’y goûter. Comme on souhaite entendre les notes égrenées par la viole d’Ibrahim en contemplant la belle gitane Lia Carmen.
Alors, ce marieront-ils et auront-ils beaucoup de beaux enfants ? Retrouveront-ils la plénitude et les saveurs d’antan ? Il n’existe que deux seuls moyens de le savoir : soit trouver et ensuite se rendre à Santa Clara, soit lire La sérénade d’Ibrahim Santos.
Comme le livre, l’auteur est également à découvrir. Si vous le croisez lors d’une séance de dédicaces, dans une manifestation littéraire ou sur son lieu de travail (et oui, écrire ne nourrit que rarement son homme), n’hésitez pas à lui parler. La chaleur, la vivacité, la passion et l’humour présents dans ses romans se retrouvent également dans sa personne. Pas de surprise donc s’il accumule les prix et les récompenses (Alain Fournier, Prix des lycéens, Comar d’Or en Tunisie…). Espérons que son autre profession lui laissera toujours le temps d’écrire !
La sérénade d’Ibrahim Santos
Yamen MANAI
Editions elyzad – 2011