Vous avez bien failli ne jamais lire cette critique. Chaque fois que mon regard se pose sur Regarde les filles de François Bertin, c’est comme si je tombais dans le coma paf noir total je me retrouve des heures plus tard avachi sur un banc public braguette ouverte. Après dix tentatives infructueuses et quelques heures (vivifiantes pour tout dire) de garde-à-vue, je me suis décidé à agir. Première parade : ouvrir le livre les yeux fermés, de telle sorte que j’entre dans l’œuvre sans passer par l’impérieuse couverture. Je tombai alors nez à nez avec la page de garde qui, bien entendu, répétait le titre hop froc baissé dans un salon de thé à l’heure du brunch. Deuxième parade : même manœuvre, sans oublier la page de garde. Mais en réalité l’intégralité du bouquin consiste à nous rappeler l’insoutenable légèreté du bouli de ta sœur et c’était maintenant à chaque case que je me voyais soudainement attendre en imper à la sortie des lycées. Troisième parade : lire la bande-dessinée dans le reflet d’un bouclier forgé par Héphaïstos. Vous imaginez à quel point cette séance de lecture fut inconfortable ? Eh bien je vous le dis : ça valait le coup.
Synopsis
Le parcours d’un jeune homme qui vit dans la fascination des femmes depuis sa naissance, et qui se met avec de plus en plus de précision à les dessiner.
Critique
Regarde les filles c’est l’histoire d’un gars peu à l’aise avec les mots qui se découvre peu à peu dessinateur, parce qu’intuitivement il comprend que l’émotion esthétique qu’il sent face aux dames va s’intensifier dans cette pratique. La femme est avant tout ici objet de contemplation. Je ne suis pas certain que ce soit réifiant. Bertin dessine des corps, des visages. Ne prétend pas dire quoi que ce soit d’autre sur ses modèles que leurs galbes. Libre à nous de leur accorder une complexité. D’autres indices nous permettent d’affirmer que l’oeuvre est avant tout intéressée par le dessin. Les dialogues sont peu nombreux. Majoritairement ce sont des bavardages, qui dynamisent les pages mais ne sont pas spécialement consistants. Les seules phrases mémorables sont délivrées par la prof d’arts plastiques, autrement dit consistent en du discours technique sur la pratique en question – vous saviez vous que quand les dessineurs brandissent leur pouce devant leurs yeux c’est pas simplement pour se la péter ? Le livre aussi ne contient pas d’intrigue, c’est une succession de fragments érotiques, parmi lesquels Bertin place significativement la découverte du manga Cobra et le visionnage d’Aladdin. Pourtant on rencontre régulièrement au fil des pages ce qu’on pourrait appeler des rebondissements. On est maintes fois surpris par la tournure. Bertin, qui a un sens aigu de la composition (vraisemblablement nourri d’Asie), ménage en fait un grand nombre de twists purement visuels. A cet égard, Regarde les filles est délicieusement imprévisible, on ne sait jamais ce qui nous attend en tournant la page. Bertin a tellement confiance qu’il nous laisse à l’abandon pendant plusieurs planches, noir total. Encore une fois, c’est un sacre du dessin, par la mise en images d’une opération inverse : des ténèbres une longue silhouette blanche émerge ! D’ailleurs cette limitation de la palette participe à l’effort. Privés de couleur, nous sommes mieux attentifs au trait. Ainsi si on pressent chez Bertin une tentation pour les bêtises truffaldiennes dénoncées plus haut – la planche qu’on retrouve sur la couverture par exemple appelle un certain nombre de réflexions fémino-cosmiques bien malheureuses – on ne saurait lui reprocher puisqu’elles ne sont qu’esquissées par le silence du dessin. Regarde les filles n’est bête que si on le lit bêtement.
BERTIN bon dieu dla, pas BERTIER.
En effet, c’est corrigé
L’auteur a du se perdre sous les jupons au cours de l’écriture…