Critique de l’ultime Les Tuniques Bleues n°64 – Où est donc Arabesque ? par Raoul Cauvin

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Le 64ème tome des Tuniques bleues, Où est donc Arabesque ?, est un petit événement éditorial pour qui s’intéresse à la bande-dessinée franco-belge traditionnelle : ce sera le dernier tome scénarisé par Raoul Cauvin le créateur de la série, après 50 ans de service. Est-ce pour autant un événement esthétique ?

Synopsis

De retour de mission, Blutch découvre qu’Arabesque, sa précieuse jument, capable de faire la morte pendant les charges, a été réquisitionnée par une autre unité nordiste ! Ivre de rage, il détruit tout sur son passage, y compris le mess des officiers, mais parvient à convaincre Chesterfield de partir à la recherche de son cheval.

Critique Les Tuniques Bleues n°64 – Où est donc Arabesque ?

Commençons par préciser qu’à ce jour je ne suis pas un spécialiste de la série Les Tuniques bleues. Je l’ai picorée au rythme de ce que me proposaient les bibliothèques mais jamais assidûment suivie. Je connais bien l’univers et sa dynamique, mais je serais incapable de dire par exemple s’il y a eu un pic qualitatif, quand, avec qui. Je ne sais pas, dans le même sens, si la série a eu tendance à l’essoufflement sur la longueur, même si je le suppose – fatalité des œuvres sérielles qui durent sans marquer le passage du temps.

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Ainsi à ma question de départ je réponds non, ce n’est pas un événement esthétique – mais à aucun endroit il semble que Cauvin et Lambil aient essayé que c’en soit un. Où est donc Arabesque suit le cahier des charges habituel, aussi bien visuellement que narrativement. Le contenu de l’histoire par ailleurs ne dénote pas l’envie de marquer le coup, plutôt celle au contraire de faire comme si de rien n’était. Peut-être peut-on voir une forme d’au revoir dans cette balade très centrée sur le trio essentiel Blutch-Chesterfield-cheval ou dans une dernière page presque tendre, presque crépusculaire. Mais, pour être franc, si j’avais lu ce tome sans contexte, je n’aurais certainement pas cherché donc pas remarqué cette forme d’au revoir.

Si Où est donc Arabesque ne veut pas être un album exceptionnel et n’en est pas un, on ne pourra pas dire que c’est un mauvais album. J’y retrouve tout mon plaisir des Tuniques bleues : fluidité de lecture, comédie classique de caractères, légèreté du ton qui n’oublie pas d’évoquer la lourdeur de l’Histoire (ici par exemple on rappelle l’utilisation des drogues pour amplifier le courage ou esquiver les batailles). Je ressens également beaucoup de sympathie pour Blutch dans cette aventure, puisqu’il y lutte contre tous pour retrouver sa jument adorée, quand bien même elle ne sert à rien, ou peut-être adorée précisément pour cette raison. Sans discours, la vigueur de Blutch à sauver l’improductif, le vivant pour le vivant, nous laisse une fois de plus entrevoir la sensibilité pas du tout guerrière de Cauvin.

Conclusion

Un plaisir supplémentaire vient à retrouver les Tuniques bleues inchangées dans le contexte esthétique actuel. Le format feuilletonnant envahit tout, à commencer par les formes d’art sérielles. On croit augmenter les formes sérielles en les musclant de fils narratifs mais cela ne fait que les vider de leur substance. Plus de chronique, plus de thématique, plus de contemplation : des rebondissements et des préparations de rebondissements. On souhaite un bon courage aux repreneurs des Tuniques bleues, puisque les marchands ne savent pas arrêter une série – on a pu voir avec les cent autres séries BD maintenues en vie artificiellement que l’équilibre scénaristique de ces vieilles routines classiques est bien fragile.

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